L'illettrisme, cause nationale, touche 2,5 millions de personnes en France, qui présentent des difficultés à lire et à écrire bien qu'ils aient été scolarisés. Si l'orthophonie n'est pas la discipline la plus préconisée pour ce type de troubles du langage écrit et scolaire, elle peut néanmoins participer au traitement des illettrés.
Définition de l'illettrisme
Définir avec précision l'illettrisme n'est pas simple, tant les cas sont nombreux et variés (certains illettrés ne parviennent pas à déchiffrer les mots, mais d'autres parviennent à lire un texte court, par exemple).
Différence entre illettrisme et analphabétisme
Tout d'abord, il convient de distinguer l'analphabétisme et l'illettrisme : alors que l'analphabète ne sait ni lire ni écrire par manque d'éducation scolaire, l'illettré a suivi une formation scolaire en France (ou en français). Pour autant, il ne sait pas correctement écrire et/ou lire (alors qu'il comprend un texte qui lui est lu) et/ou compter (on parle parfois d'innumérisme).
Définition officielle
Si on se réfère au Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI), qui donne une définition générale, « on considère comme relevant de situation d'illettrisme des personnes de plus de 16 ans, ayant été scolarisés et ne maîtrisant pas suffisamment l'écrit pour faire face aux exigences minimales requises dans leur vie professionnelle, sociale et culturelle. Ces personnes [...] sont sorties du système scolaire en ayant peu ou mal acquis les savoirs premiers pour des raisons sociales, culturelles et personnelles et n'ont pu user de ces savoirs et/ou n'ont jamais acquis le goût de cet usage. Il s'agit d'hommes et de femmes pour lesquels le rapport à l'écrit n'est ni immédiat, ni spontané, ni facile et qui évitent ou appréhendent ce moyen de communication ».
Troubles croisés
Dans les faits, on constate qu'une personne illettrée sur deux présente des troubles spécifiques, tels qu'une dyslexie ou une dysphasie. Par ailleurs, généralement le QI est assez faible.
Chiffres de l'illettrisme
En 2011, en se basant sur la définition du GPLI, on recensait 2,5 millions de personnes touchées par l'illettrisme rien qu'en Métropole (et 860 millions dans le monde). Cela correspond à 7 % des hommes et des femmes entre 18 et 65 ans et qui ont été scolarisées en France. Ces chiffres restent valables en 2014.
Ces 2,5 millions d'illettrés sont caractérisés par différentes situations :
- En termes d'âge :
- 9 % de personnes âgées de 18 à 25 ans (4 % de la population de cet âge) ;
- 15 % de 26 à 35 ans (5,5 %) ;
- 46 % âgées de 36 à 55 ans (15,5 %) ;
- 30 % de 56 à 65 ans (14 %) ;
- en définitive, 53 % de personnes âgées de plus de 45 ans.
- En termes de lieu de résidence :
- 10 % de personnes habitant dans des « zones urbaines sensibles », et 10 % en région parisienne ;
- 48,5 % de personnes vivant dans des zones rurales ou dans des villes de moins de 20 000 habitants ;
- 40 % des détenus français.
- En termes d'emploi :
- 51 % de personnes exerçant une activité professionnelle ;
- 10 % sont sans emploi (20 % sont des bénéficiaires du RSA) ;
- 17,5 % de retraités ;
- 13,54 % en formation ou inactifs ;
- 8 % sont au foyer.
- En termes de sexe :
- 60,5 % d'hommes ;
- 39,5 % de femmes.
- En termes de langue : 71 % de personnes qui, chez elles, parlaient uniquement le français lorsqu'elles étaient enfants.
Causes de l'illettrisme
L'illettrisme n'arrive pas par hasard. Il résulte d'une combinaison de facteurs impliqués à des degrés divers en fonction des individus :
- Troubles cognitifs congénitaux ou traumatiques.
- Dysfonctionnement cognitifs affectant plus spécifiquement :
- l'intelligence ;
- la perception ;
- l'attention ;
- la mémoire immédiate ;
- la conscience phonique.
- Problèmes de santé.
- Troubles affectifs entre l'individu et son environnement familial (presque systématiquement).
- Déficiences du milieu familial et culturel : modèle éducatif (« handicap socioculturel »).
- Difficultés sociales (là encore presque systématiquement).
- Parfois pratique d'une langue étrangère au sein du foyer.
- Organisation de la société et du système scolaire (qui tend à exclure les élèves en échec).
À noter : des professionnels constatent qu'au fur et à mesure de l'avancée d'un stage visant à lutter contre l'illettrisme, la santé physique des participants s'améliore, de même que leur hygiène et leur apparence.
Classification de l'illettrisme
Une classification existe pour distinguer les différents niveaux d'illettrisme :
- N1 : les personnes qui ne savent pas lire.
- N2 : les personnes qui savent lire mais sont incapables de productions écrites compréhensibles.
- N3 : les personnes qui savent lire et écrire mais avec un très grand nombre d'erreurs.
Cependant, au sein même de cette classification, il existe de multiples sous-catégories selon que les personnes sont capables ou non :
- de se repérer dans le temps et l'espace (avec la possibilité de se déplacer seules) ;
- de faire leurs commissions ;
- de calculer des quantités ;
- de lire une notice pour :
- prendre un médicament de façon adaptée ;
- utiliser un appareil quel qu'il soit ;
- de lire une consigne de travail ou de sécurité ;
- de retirer de l'argent à un distributeur de billets ;
- de lire ne serait-ce qu'un schéma ;
- de lire un planning horaire ;
- de venir en aide à leurs enfants scolarisés, etc.
L'illettrisme, cause nationale
La lutte contre l'illettrisme est une cause nationale. Il s'agit de :
- Prévenir l'illettrisme dès la petite enfance en familiarisant les enfants avec les mots et les livres.
- Faire en sorte, tout au long du parcours scolaire, de prévenir l'échec scolaire et l'illettrisme « en apportant des réponses adaptées aux facteurs de vulnérabilité, afin d'assurer une forme d'irréversibilité des acquis de base », indique (fin 2013) le rapport Prévention et lutte contre l'illettrisme du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV) :
- connaître les facteurs de risque et repérer les difficultés le plus tôt possible ;
- apporter le soutien aux enfants et aux familles pour faire face aux problèmes rencontrés ;
- relancer une dynamique d'apprentissage favorable dans les domaines de la lecture et de l'écriture.
- Lutter contre l'illettrisme en proposant des formations à la lecture, à l'écriture et au calcul pour ceux qui ont décroché du système scolaire (de façon à permettre leur insertion professionnelle).
- Procéder de même chez les personnes déjà salariées ou demandeuses d'emploi qui sont confrontées à ce problème.
Ainsi, même si une action collective nationale doit être menée par l'État, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les entreprises et la société civile, c'est en matière de formation des élèves dans le système scolaire par l'Éducation nationale qu'il faut progresser.
Prise en charge par les orthophonistes
Les orthophonistes peuvent intervenir pour aider les illettrés, même si ce n'est pas habituel.
Rôle des orthophonistes
Les orthophonistes libéraux reçoivent assez peu de patients pour illettrisme. Le petit nombre qui vient consulter a été en général orienté par les formateurs qui leur dispense des formations spécifiques (associations, Greta, etc.).
La formation en orthophonie n'aborde pas la problématique de l'illettrisme. En revanche, les orthophonistes peuvent tout à fait utiliser les compétences acquises au cours de leur formation initiale. Certains orthophonistes décident de s'investir spécifiquement dans ce domaine et deviennent des experts.
Reste que l'expertise des orthophonistes dans la lutte contre l'illettrisme n'est pas reconnue légalement parlant.
Domaines d'intervention
Les orthophonistes ont tout de même leur place dans la lutte contre l'illettrisme. Ils interviennent :
- lors du bilan orthophonique en détectant rapidement les problèmes et les handicaps des patients grâce à leurs compétences spécifiques dans ce domaine et grâce à leurs outils d'évaluation (le D.M.I. : Difficultés et moyens dans le cadre de la lutte contre l'illettrisme) ;
- en mettant aussitôt en place un projet de prise en charge par la rééducation permettant d'obtenir des résultats à court terme ;
- dans le cadre des stages de formation pour adultes illettrés en participant en amont à l'élaboration des programmes de formation ;
- dans des ateliers en formant les formateurs eux-mêmes (formation continue) ;
- dans la recherche dans le domaine spécifique de l'illettrisme.
Article
Restaurer la confiance en soi : un élément essentiel
La revalorisation des personnes illettrées est également indispensable. Ces personnes souffrent d'auto-dévalorisation, voire de honte. Leur sentiment d'exclusion est très marqué et trop peu pris en compte.
Certains professionnels de santé sont experts dans l'illettrisme. Ils présentent un intérêt particuliers pour les personnes présentant des difficultés sociales et culturelles, qui sont quasi-systématiques.
Outils utilisés
Quant au matériel employé, pour les adultes, il s'agit de documents de la vie de tous les jours : factures, emballages alimentaires, magazines, etc.
Quoique le travail soit généralement long et semé d'embûches, quand les patients sont volontaires, les progrès peuvent parfois être spectaculaires.
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Types de troubles du langage
Sommaire
- Introduction aux troubles
- Principaux troubles du langage
- Divers